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J’avais, il y a une plus d'une douzaine d’années, tout à fait par hasard (j'avais envoyé un CV dans plussieurs et il faut croire que celle-ci avait eu un contre-temps à l'improviste avec son traducteur), traduit un essai d’histoire, du français à l’italien, pour une grande maison d’édition Italienne. Sur l’enfance au moyen-âge. En principe, on traduit de la langue source à sa langue maternelle. Je connais suffisamment bien l’Italien pour être en mesure de le faire même si ce n’est pas ma langue maternelle, d’autant qu’il ne s’agissait pas de littérature, même si c’était bien écrit; cela faisait d’ailleurs penser, pour le style, à un bon documentaire, à un reportage. Un reportage dans le passé, et ça m’avait plu.

Par scrupule, l’Italien n’étant pas ma langue maternelle, j’avais soumis ma traduction au grand-père de mon fils, qui n’était pas un homme très sympathique mais qui avait une qualité certaine: c’était un grand érudit, un homme de culture et de culture classique. Il n’y avait rien trouvé à redire, pour lui, c’était correct. Quant à moi, j’étais tout à fait certaine de n’avoir fait aucun contre-sens ; il y avait déjà des années que je lisais parfaitement l’Italien dans le texte, et pour cause. J’avais donc renvoyé telle quelle ma traduction au responsable du service. J’ai reçu par la suite le livre en question, deux tomes composés de plusieurs essais de différents historiens. Celui que j’avais traduit fut publié tel quel, rien n’avait été changé, pas une virgule. On ne pouvait donc pas me reprocher d’avoir fait un mauvais travail. Ce n’était pas tellement payé, mais c’était vraiment un travail passionnant, et j’aurais aimé continuer.

Rien à faire.

J’eus plusieurs fois au bout du fil le dit responsable, une espèce de snob nébuleux confiné autant qu’invisible dans le saint des saints de son bureau Romain, bilingue, de langue française. Pour l’avoir au téléphone, c’était le parcours du combattant. Il fallait franchir les barrages hérissés par des secrétaires-standardistes soupçonneuses ou mesquines qui vous répondaient que Monsieur Machin n’était pas « visible », ou qui semblaient vous reprocher de vouloir le joindre, comme s’il s’agissait de déranger je ne sais quel éminent personnage; Dieu le père en personne. Lui par contre, me téléphonait sans prévenir dans les moments les plus inopportuns. Je me souviens d’une fois où je m’étais précipitée en entendant la sonnerie, essoufflée après avoir monté les trois étages qui conduisaient à l’appartement que j’habitais alors, avec mon fils dans les bras qui était encore bébé. Ma voix haletante dut lui paraître rauque, écorcher les oreilles de cet insigne dandy ne respirant que l’air raréfié de ses cimes intellectuelles. Bref, je n’eus jamais d’autres traductions. Il faut, sans doutes, pour travailler comme traductrice dans une maison d’édition, être introduite dans je ne sais quel "cercle", être la fille, la femme, la fiancée, la nièce de Tartampion, etc…, et surtout ne pas monter trois étages avec un bébé dans les bras, mieux, ne pas avoir d'enfants du tout.



Comme le grand-père de mon fils était publié depuis de nombreuses années (et très connu dans son « cercle »), j’espérais qu’il m’aurait trouvé quelque chose. Mais là, c’était un autre problème. Il aurait sans doute fallu que je rentre dans un autre « cercle », ce qui eut signifié ma conversion. Difficile de se convertir quand on n’est pas croyant. Et puis c’est tout de même beaucoup demander, pour travailler…
Ecrit par Lory Calque, le Vendredi 12 Mai 2006, 20:48 dans la rubrique Florycalque.