Joueb.com
Envie de créer un weblog ?
Soutenez le Secours populaire
ViaBloga
Le nec plus ultra pour créer un site web.
Débarrassez vous de cette publicité : participez ! :O)

Fausses routes
Il semble bien qu'il y en aient plusieurs et que celle que préconise Elisabeth Badinter ne soit pas la seule qui puisse etre empruntée pour arriver nulle part en allant à reculons. Mais on trouvera sur le site Sisyphe des critiques tout à fait exhaustives de son ouvrage "Fausse route".

Après attentive lecture de l'étude faite par la sociologue Margaret Maruani sur le travail et l'emploi des femmes en 2003 mentionnée dans l'article précédent, les thèses de Marcela Iacub ne me paraissent pas davantage tenir la route, si je puis dire. "L'empire du ventre" a indubitablement été un prétexte de discrimination des femmes durant des millénaires et l'est encore, mais il n'a pas été le seul puisque, de tous temps, les femmes ont toujours travaillé en dépit de la maternité. Et en ce début de siècle il apparait clairement de l'étude menée par M. Maruani que statistiquement la maternité, jusqu'à deux enfants, ne constitue plus concrètement un handicap (meme si cela demande plus de sacrifices aux femmes qu'aux hommes) du point de vue professionnel puisque seulement 50% des femmes ayant un troisième enfant quittent définitivement leur travail au dehors quand 75 % de celles qui en ont deux ne s'arretent plus de travailler.

Il ressort également de cette étude de M.Maruani que si depuis 40 ans les femmes sont entrées massivement sur le marché du travail salarié en y devenant performantes, et en étant plus diplomées que les hommes (meme si à diplome égal celui d'une femme vaut moins que celui d'un homme), elles sont aussi plus nombreuses à etre au chomage et à se touver aux prises avec la précarité tout en représentant 80% des personnes gagnant moins que le SMIC et 80% également des personnes se retrouvant obligée à subir le travail partiel pour ne pas etre au chomage. Il s'ensuit qu'à l'intérieur du monde féminin l'écart s'est creusé entre les diplomées et les femmes sans qualifications professionnelles, à ceci prèt qu'il n'est plus rare que, à diplome égal, celui d'une femme valant moins que celui d'un homme sur le marché du travail, une femme avec Bac+2 ou +3 se retrouve au chomage ou en situation précaire à temps partiel (et on peut sans doute s'attendre à ce que dans les 20 ans qui viennent les femmes ayant Bac+4 se retrouvent dans la meme situation pour peu qu'elles aient de ces diplomes sanctionnant les études suivies dans les filières traditionellement féminines qui risqueront de se voir préférer le peu d'hommes qui auront suivi les memes. Et on peut par ailleurs prévoir que leur pourcentage de présences n'ira croissant que lentement dans les filières scientifiques vues les difficultés et les discriminations qu'elles rencontrent dans les écoles d'ingénieurs par exemple).

De sorte qu'un mouvement féministe pourtant farouchement opposé aux thèses tant d'Elisabeth Badinter que de Marcela Iacub comme celui des Chiennes de Garde, qui tend à se considérer comme la vitrine et le fer de lance du en France, me parait, sinon aller nulle part à reculons, aller on ne sait pas très bien où (si ce n'est vers la conservation de privilèges d'une minorité tendant à se réduire en peau de chagrin vu la précarisation et le chomage croissant de la population féminine pourtant munie d'un bac+3) et plutot très lentement, en somme, et perdre du terrain.

Le manque évident de solidarité qui y reflète parfaitement le fossé qui se creuse entre les femmes, fossé dont il était question dans l'étude faite par M.Maruani, reflète aussi l'isolement des femmes qui en dépit de leurs lobbies, de création il est vrai relativement récente, mais prometteurs, risquent bien que de ne réussir qu'à accentuer une certaine forme de corporatisme sans avoir réellement la capacité d'affronter efficacement un machisme qui a décidément la peau dure chez les ouvriers comme chez les ingénieurs. C'est bien ce que semble signifier la chercheuse en disant : " Cette situation renvoie à la question de savoir si l'on peut laisser se développer cette forme d'emploi spécifiquement féminine et se multiplier les emplois payés au-dessous du SMIC, sachant que la majorité des travailleurs pauvres sont, en France, des femmes travaillant à temps partiel". Car ainsi fragmenté et atomisé le lobbisme au féminin risque bien de ne pas pouvoir faire le poids face d'une part au néo-libéralisme triomphant, et d'autre à la montée des intégrismes religieux qui menacent toujours plus les acquis considérés fondamentaux par les femmes comme le droit à la contraception et l'avortement.
Sans doute manque-t-il au contemporain une forme de syndicalisme féministe à la place de l'esprit corporatiste qui semble prévaloir.
Dans un pays comme la France qui est en réalité le pays d'Europe où il y a le plus de femmes qui travaillent puisqu'elles sont 46% des actifs, une grève générale des femmes de tous les secteurs paralyserait sans doute le pays plus que n'importe quelle grève sectorielle, et serait en mesure de faire plier un gouvernement ou pour le moins de se faire entendre aussi surement que ce qui a eut lieu pour le CPE, mais en vue d'obtenir des avancées concrètes sur l'égalité des salaires et des traitements dans d'autres domaines, pas nécessairement professionnels. Quelque chose comme la création d'un "Collectif intersyndical féministe" seraient peut-etre en mesure de coordonner les revendications.
Les femmes n'ont pas assez conscience de la force qu'elles représentent désormais, et ce ne sont pas les organisations féministes qui jouent sur la défensive depuis deux décennies qui la leur insuffleront si elles ne se décident pas à passer à l'offensive un jour ou l'autre.

Ecrit par Lory Calque, le Vendredi 25 Août 2006, 17:47 dans la rubrique Femmes & Féminisme.