Joueb.com
Envie de créer un weblog ?
Soutenez le Secours populaire
ViaBloga
Le nec plus ultra pour créer un site web.
Débarrassez vous de cette publicité : participez ! :O)

"A bicyclette"
--> (Vieille chanson française)

J’aime pas le caviar, je l’ai déjà dit. Mais c’est loin d’être la seule chose que je déteste. Et parmi tout ce que je déteste, il y a les jeunes filles de bonne famille, surtout si elles pédalent sur des bicyclettes bleues. J’exècre ces jouvencelles bien de chez nous qui fleurent bon le terroir de leur grands-parents dont elles ont hérité la ferme, transformée en résidence secondaire, laissent une odeur de première communion dans leur sillage, bien qu’elles soient républicaines car grand-papa était notaire, Gaulliste, et résistant de la première heure bien entendu (mais ça je demande à voir ; il y en a tellement qui ont attendu la dernière).

Celles qui vous débobinent les doux souvenirs de leur tendre enfance sur fond d’azur parsemé d’étoiles, en vous sortant la bibliothèque "bleu horizon" de grand-papa et ses classiques, vous narre la joâ de leurs lectures enfantines et leur « découverte des livres », vous ressortent la comtesse de Ségur ou Ces dames au chapeau vert et leurs premiers émois en prime avec Autant en emporte le vent, vous conte avec suavité leur vie de lycéenne sage et studieuse, lisant Le conte de Monte-Cristo pour la dixième fois histoire de rompre avec la gravité des révisions du Bac, avant d’entamer leur droit, ça me flanque la nausée.

Là, avec le droit et les études supérieures, on arrive aux choses sérieuses. Et en littérature après Homère et La fontaine lus dès le biberon et les premières bouillies dans la vieille édition de grand-papa, il y a quand même un grand vide à part Guerre et Paix (mais enfin c’est vrai que c’est long à lire), et on arrive à la période contemporaine et les lectures genre Pennac et ses p’tits beurs vus par les bobos (je suis même étonnée de ne pas trouver Houellebecq dans le lot). Pour finir sur la lapidation de la Belle du Seigneur d’Albert Cohen (qui a d^u gagner beaucoup moins de fric que Pennac, mais qui restera beaucoup plus sûrement que lui et d’autres dans l’histoire littéraire).

Ce qui me laisse à penser qu’une bonne partie de ceux qui ont « fait leur droit » doivent avoir à peu près autant de goût pour la littérature que la plupaert des informaticiens ont de compréhension des mathématiques.

 

J’éprouve vraiment une aversion, une antipathie viscérale pour ces minettes BCBG qui se plaignent qu’on galvaude le féminisme en se retranchant derrière Simone Veil parce que ça fait bien et que ça ne coûte rien. D’autant que je ne suis pas du tout persuadée que madame Veil, contrairement aux jeunes filles de bonne famille BBR qui ont fait leur droit, dise le ministre quand il s’agit d’une femme et se refuse à dire auteure ou avocate pour mettre ces termes systématiquement au masculin.


Ça doit être parce qu’à l’époque des bicyclettes bleues ma mère avait un vélo rouge.

 

Ça doit être parce que mon grand-père n’était pas notaire, ni même fermier, mais ouvrier agricole dans les vignes d'une marquise de Montcujallon, qui lui avait offert (à lui et aux autres) un crucifix en ferrraille pour partir à la guerre en chier dans les tranchées (c’est le cas de le dire, je l’entend encore raconter que les types en chiaient dans leur froc au moment de monter à l’assaut, commandés par d’incapables badernes de généraux pour lesquels la vie d’un homme valait moins qu’un fusil ; il n’avait eu qu’une seule chance: avoir ramené sa peau de Verdun après avoir été gazé et avoir pris du plomb dans la hanche).

 

Ça doit être parce que mon autre grand-père, trop jeune pour la première et trop vieux pour la seconde, ouvrier et syndicaliste, avait lu plus qu’un fermier ou un notaire. Il ne votait pas pour De Gaulle non plus mais avait encore moins été pétainiste ; la première chose qu’il avait fait quand, dans les écoles, on avait distribué aux enfants le portrait du maréchal pour l’accrocher chez eux, c’est de l’avoir foutu dans le fourneau de la cuisinière à charbon. Il ne voulait pas de ça chez lui.


Mes papys ne faisaient pas de résistance (encore que mon grand-père savait manier les explosifs et les armes à feu, et pour cause, de sorte qu’au besoin, il donnait bien un coup de main pour faire dérailler un train - d’ailleurs, dans le quartier de mon grand-père resté en banlieue, tout le monde résistait. Bon nombre d’habitants avaient fui l’Italie fasciste ou l’Espagne franquiste, c’est tout dire) ; non, ils se sont contentés de résister passivement et de survivre. A l’époque, c’était déjà beaucoup. Ça voulait dire changer de trottoir pour ne pas croiser l’occupant, l’envoyer dans la direction opposée à celle qui était demandée dans le métro, donner gratuitement un verre d’eau à boire aux gens hagards en exode sur les routes, fuyant vers le sud, quand d’autres le faisaient payer, ou un œuf, ou une tomate du jardin à des êtres hallucinés de passage.


Quand à la littérature, je n’ai pas envie de passer ici ma bibliothèque en revue, ni celle de mes parents et grands-parents, je ne m’étendrai donc pas sur les déesses-aux-yeux-pers ni sur la Belle Hélène ; je connais trop bien les étrusques pour qu’Homère et Virgile me soient étrangers. A propos d’étrusques, comme chacun sait Tarquin fut superbe, mais sans Tanaquil il n’aurait été qu’un métèque sans espoir d’être jamais lucumon, et encore moins roi de Rome, où dans ce temps là on allait pour faire carrière comme aujourd’hui encore on va aux USA.


On trouvera un bestiaire qui amuserait sans doutes un La Fontaine moderne dans la wikiménagerie.


La comtesse de Ségur me rappelle surtout les vieilles illustrations de dames en crinolines, dont je recopiais les robes parce que j’aimais dessiner ; je ne me souviens absolument pas de ce que je lisais en révisant mon Bac, je me souviens qu’il faisait beau et que pour me détendre j’allais à la piscine. Le conte de Monte-Cristo me rappelle surtout ma grand-mère, ça devait être un des rares livres qu’elle avait lu, et l’enthousiasme avec lequel elle en parlait (pour elle c’était le summum de la littérature) me faisait rire.


Tolstoï m’a toujours laissée sceptique, on dit que sa femme Sophie avait beaucoup écrit. Margaret Mitchell, Autant en emporte le vent, et des acteurs détestables.


Je n’ai jamais pu supporter Pennac, La fée carabine me rappelle mon grand-père qui en avait une à plombs avec laquelle il descendait les zoziaux qui lui bouffaient ses semis. J’avais une dizaine d’années et je la lui chouravais en douce pendant qu’il faisait la sieste, c’est comme ça que j’ai appris à tirer. Quand il me surprenait (ça s’entendait), il se mettait en colère: «Veux-tu bien poser ça tout de suite, crrré nom de dieu de bon dieu (il avait gardé l'accent de son terroir!)».


Quand BCBG rime avec BBR, ici bleu-blanc-rose parce que maman était bleue mais fifille rose (si, si), que toussa gravite sur gougueul' en pole position et que plus ‘blog-référencé-influenceur-répertorié sur VSD pour-faire-changer-la-France- que ça tu meurs, je n’ai qu’une certitude : je ne voterai pas pour l’UMP. Mais tout ça me rend triste et morose, ça me démoralise, je me demande si aller voter socialiste la mort dans l’âme, ou si déserter les urnes. J’irai voter socialiste en maudissant le caviar, comme d’hab.


N’en déplaise aux puristes de la langue française, j’aime bien parler argot. Enfin l’argot classique ; vu qu’aujourd’hui en banlieue, je ne comprends qu’un mot sur deux. Et pour la circonstance, c’est un texte correct et bien français, pour le jour du Seigneur, je trouve. Pas vous ? Moi si.


Catégorie:

Ecrit par Lory Calque, le Samedi 30 Septembre 2006, 16:09 dans la rubrique Au jour le jour.

Commentaires :