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Parlons chiffons
--> Des temps et du costume
Par une curieuse association d'idée, les ci-dessous gens de robes et leurs effets de manche, le minimalisme à la Prada, la course au caviar, les embruns et le brouillard, tout ceci m'a fait penser à la "Lune Rousse" sponsorisée précisément par Prada, comme voici deux décennies "Le Maure" l'était par je ne sais quel homme d'affaires-suicide, et effectivement suicidé.

C'était l'époque où Krizia vous épaulait des carrures d'avocates body-buildées pour "femmes en carrière" (enfin sur les passerelles et seulement pour le look, car des femmes en carrière en Italie il n'y en a jamais eu beaucoup si l'on excepte -encore aujourd'hui- les "soubrettes" des télés, une profession celle-ci qui ne demande aucune qualification sinon des mensurations particulières et beaucoup de "flexibilité"), aux beaux jours du craxisme.

Les temps ont bien changé. Le "Made in Italy", qui se vendait comme des petits pains tous azimutes pour un prix abordable et dont on trouvait les fins de séries en solde pour pas cher sur les marchés locaux, est désormais hors de prix, et remplacé par la production chinoise, d'ailleurs souvent "made à Prato (1)".

Le prix des fringues, avec la production chinoise, a baissé globalement de 20%, mais ce n'est pas vraiment un avantage, car d'une part c'est dans l'ensemble beaucoup moins joli, et d'autre les tailles ne correspondent pas du tout aux standards européens; les proportions étant différentes. En gros autrefois un 42 correspondait à M, en chinois il faut un L voire un XL. Les soutient-gorges à 2 E, c'est pas cher, mais, si les bonnets vous vont ça ne ferme pas derrière, ou le contraire. C'est plus souvent du pret-à-jeter que du pret-à-porter. C'est mal coupé; et la coupe, c'est entre autre ce qui faisait le charme du made in Italy.

Le pret-à-porter coute désormais un prix exorbitant, pour ne pas parler du pret-à-porter de luxe. Ne parlons pas davantage des chaussures, elles sont chères également, et de plus elles ont rarement été aussi laides que ces dernières années avec cette affreuse mode à la poulaine qui vous empèche de marcher. Les pires horreurs depuis les années 70, mais au moins à l'époque on pouvait marcher avec les bouts carrés des chaussures de curés à semelles compensées.

Les marques haute-couture encore confectionnées ici partent aux quatre coins de la terre dans de richissimes isolats; le moindre T.shirt griffé et n'ayant cependant rien d'extraordinaire peut couter jusqu'à 200 E la pièce, part entre autre vers l'est avec sa facture règlementaire et son bon d'accompagnement, après "mystère" parait-il, et on peut le retrouver au Kamtchatka. A ce prix là pour un T.shirt, autant l'acheter sur le marché à 5 E, il ne sera pas griffé mais la qualité ne vaut pas la différence de prix.

Les couturières d'antant sont mortes depuis longtemps, et les si beaux tissus de Prato qu'on trouvait avant pour un prix intéressant ne se trouvent plus guère et sont chers, de sorte qu'au prix des chinoiseries d'aujourd'hui, ça ne vaut vraiment pas le coup de s'enquiquiner à se faire quoi que ce soit. Il devient bien difficile de s'habiller agréablement et confortablement dans quelque chose qui vous aille. Le mieux, si on est bricoleuse, est encore de s'acheter une chinoiserie pour trois fois rien, de la trafiquer un peu, d'en changer les boutons kitsch, racourcir ici, rallonger là, rajouter des fronces, ou les enlever.

Les ballerines, les chaussures à bout ronds semblent cependant refaire leur apparition ces derniers temps, ainsi que des vetements d'inspiration vaguement hippie. Avec les tissus d'importation d'orient, on peut peut-etre espèrer une chatoyante portabilité pour le prochain printemps.

Et puis il y aura bien toujours deux foulards, deux paréos à coudre ensemble pour faire une jupe si on a pas envie de s'affubler de ces réquimpettes étriquées si peu pratiques qui vous dépersonnalisent, comme si vous portiez un uniforme...

NB: la période craxienne n'est là qu'à titre d'indication temporelle. Sans regrets.

(1) Prato: ville de Toscane située non loin de Florence, anciennement capitale du textile et historiquement cité de chiffonniers.
Ecrit par Lory Calque, le Jeudi 19 Octobre 2006, 20:35 dans la rubrique Magazine féminin.