Donc, l'année
dernière en me voyant faire le sapin, mon fils m'avait dit d'un air détaché du
haut de ses seize ans, l'air au-dessus de ses vétilles pour bambins:
- Tiens, tu fais le sapin?
Cette année par contre, le sapin ne rentrait pas dans mes prévisions. J'en ai
marre, du sapin. Voilà vingt ans que je le fais, avec mes enfants quand ils
étaient petits, ou supervisant la construction de l'échafaudage de boules et
guirlandes, puis l'an dernier toute seule puisque mon fils se trouvait
désormais au-dessus de cette chose infantile.
Avant-hier, mon fils, jugeant sans doutes que le temps du sapin étant échu, me
dit d'un ton badin:
- Bah tu fais pas le sapin cette année?
Je lui ai dit que j'en avais marre du sapin et que s'il le voulait, il n'avait
qu'à se le faire. Hier, il est donc allé se le chercher dans la remise au
milieu de tout un bric-à-brac où l'on trouve pêle-mêle les chaises et fauteuils
de jardin repliés pour l'hiver, le parasol et les chaises de plage, une paire
de ski datant de Mathusalem, la tondeuse à gazon. Un sapin démontable en trois
morceaux qui en est bien cette année à son quatrième ou cinquième Noël, déjà le
second; c'est comme tout, ça s'use et ça perd sa parure qui se réduit en peau
de chagrin à force d'enlever les guirlandes.
Autrefois, quand j'étais gamine, les sapins artificiels n'existaient pas et les
premiers du genre, en plastique, étaient hideux. Chez moi, on mettait un vrai
sapin, ce qui avait le désavantage de perdre ses aiguilles qu'il fallait
balayer tous les jours, mais l'avantage d'avoir cette odeur caractéristique qui
contribuait à la "magie" de Noël, désormais perdue avec des sapins
"écologiques" de bien meilleure qualité et plus ressemblant aux
vrais, mais inodores.
J'avais une amie qui avait la bonne idée d'en avoir un vrai, avec racines, dans
un pot, qu'elle remettait dans son jardin après usage jusqu'au Noël suivant. Ça
m'avait paru une bonne idée, tout compte fait économique autant qu'écologique,
puisque c'était le même sapin qui lui servait depuis cinq ans, et le second;
quand le premier était devenu trop grand, elle l'avait planté en pleine terre
dans son jardin. Mais avec moi, rien à faire, il s'est desséché durant l'été.
J'en avait racheté un l'année suivante; pareil. Je m'étais donc décidé à en
acheter un faux. Parce qu'on ne peut tout de même pas mettre un cyprès à la
place. Ici ça se transplante bien, c'est dans son habitat, mais enfin pour les fêtes,
ça fait un peut trop funèbre je trouve, et puis ce n'est pas évident de le
garnir de boules et guirlandes. Quoiqu’ici le petit cyprès s'achète beaucoup en
fin d'année pour offrir, dans un pot fantaisie, orné d'un ruban rouge; on en
trouve même blanchis au spray ; franchement de la fausse neige sur des
cyprès, faut le faire.
Ceci dit, il est assez courant, ici, de faire une crèche, comme dans le midi de
Mais je me dis qu'on n'arrête pas le progrès; après tout, il y a bien de la
neige en spay, des faux palmiers sous le sapin faux ou vrai, donc pourquoi pas
du spray odorant à l'odeur de sapin? Ça m'étonne même que personne n'y ait
encore pensé.