Joueb.com
Envie de créer un weblog ?
Soutenez le Secours populaire
ViaBloga
Le nec plus ultra pour créer un site web.
Débarrassez vous de cette publicité : participez ! :O)

France étrange

J’ai découvert le blog très intéressant d’une très jeune femme issue de l’immigration, qui porte le foulard, et qui parle de son expérience de « femme voilée », de son malaise au sein de la société française, de ce qu’elle ressent dans le regard que portent les autres sur elle: les Chroniques d'une voilée désabusée.

 

Jeune étudiante, elle a un bagage intellectuel et culturel que peuvent lui envier nombre de français de souche. Elle possède en outre une excellente maîtrise de la langue française, qui est sa langue maternelle, et qu’elle manie avec une aisance remarquable ; c’est même quelqu’un qui, à mon avis, possède d’indéniables qualités d'écriture, d’autant plus remarquables qu’elle a vingt ans seulement (du moins, c’est ce qu’elle dit). Une personne qui « sait écrire », ce qui n’est pas donné à tout le monde. Son blog n’en est que plus intéressant, parce qu’il est intelligent.

 

Je l’ai pratiquement lu en entier, y compris les commentaires, eux aussi intéressants, autant que révélateurs. En le lisant, son désarroi me gagne en ce qu’il rejoint le mien qui est celui d'une autochtone. Je comprends son désenchantement, et le pessimisme mélancolique qu’elle exprime me touche parce que, comme elle, je ne vois guère de solution à un problème des plus récurrents actuellement au sein de la société française, et européenne en général, face à l’islam.

 

D’un point de vue critique, le plus objectivement qu’il me soit possible, il me vient à faire quelques considérations.

 

Tout d’abord, il s’agit d’une jeune femme appartenant à la petite bourgeoisie issue de l’immigration, vivant dans une zone pavillonnaire en région parisienne, dans une réalité bien différente de celle des grandes cités. Une réalité que je connais bien, s’agissant de quartiers mixtes où les familles comme la sienne ont généralement racheté le pavillon de petits vieux partis en retraite dans une maison de campagne en province.

 

Elle a choisi de porter le foulard, non pas tant pour une motivation d’ordre religieux, bien qu’elle se déclare croyante, et même pratiquante, mais sans plus, comme nombre de chrétiens se contentent d’aller à la messe à Pâques et à Noël ou en quelques circonstances telles qu’un mariage ou un baptême, en somme, mais pour une question identitaire. Parce qu’elle ne se sent pas reconnue comme française à part entière de par ses origines, dans le pays qui est pourtant le sien ; la France.

Ce qui n’est guère une situation agréable, il faudrait vraiment être dépourvu de la moindre humanité pour ne pas s’en rendre compte, ou imbécile pour ne pas le comprendre.

 

Il ne s’agit bien évidemment pas d’une paysanne arrivée empaquetée de la tête aux pieds et s’exprimant difficilement en français, ni de ces filles des cités arrivées avec difficulté jusqu’en classe de troisième et ayant abandonné l’école, habillées sans goût à la façon musulmane contemporaine standard. Non, on comprend très bien en la lisant qu’elle s’habille comme n’importe qu’elle jeune femme de son âge qui s’habillerait convenablement ; d’ailleurs elle dit elle-même se vêtir chez H&M entre autre, seules les jupes courtes ne doivent pas faire partie de sa garde-robe, ni les T.shirts courts dénudant le nombril, une question de pudeur, ultérieure motivation qu’elle donne a son choix de porter le foulard. Elle porte simplement un foulard sur la tête, que j’imagine sans peine assorti au reste de sa toilette ; probablement élégante, sans doute maquillée normalement. Un foulard sans doutes joli et de bonne qualité, mais qui fait toute la différence avec les autres françaises.

 

La question de la pudeur est quelque chose que je comprends tout à fait, d’ailleurs chez Mauvaise Herbe toujours, on trouve ce texte, en trois parties, très intéressant à ce propos. Il est vrai que le regard masculin gêne, inhibe et dérange les femmes, les contraint selon les endroits et les situations, pour être laissées en paix et passer le plus possible inaperçues, à être éternellement en T.shirts ample sur jean, à s’habiller de façon masculine.

 

Ce que par contre je perçois en tant que femme autochtone et qu’elle ne semble pas percevoir est en quelque sorte l’envers de son point de vue. J'aime bien voir l'envers des choses, quel que soit le point de vue qu'on me présente.

 

Il m’est arrivé, précisément chez Carrefour, dont elle parle d’ailleurs, de croiser dans le centre commercial de jeunes franco-maghrébins musulmans occupés à regarder passer les filles et à faire leurs commentaires à haute voix, pas toujours très flatteurs, et de les avoir entendu dire, à plusieurs reprises au passage de jeunes filles voilées, façon « sans goût à la façon musulmane contemporaine standard », des « Total respect mes soeurs ». On n’a donc pas droit au respect si on n’a pas ce fameux foulard sur la tête ? Et vaut-il mieux être empaquetée dans un accoutrement informe pour avoir la paix que de s’habiller chez H&M et porter un joli foulard dans le même ton que le reste ?

 

Cela me laisse tout de même une certaine amertume. Et je me souviens de ma fille alors âgée de seize ou dix-sept ans, allant justement chez H&M et autre Pimkie au centre commercial, se faire systématiquement emmerder par ce genre de types venus de leur cité, d’autant plus qu’elle est brune et de type méditerranéen. Elle avait alors fort judicieusement pris l’habitude de répondre en italien, jamais en français, signifiant par le biais linguistique qu’elle n’appartenait pas à la communauté musulmane. Cela avait l’effet immédiat de faire cesser tout harcèlement.

 

Autrefois, il y a plus d’une trentaine d’années, la cité (on disait alors les HLM) la plus proche de chez moi n’était pas celle des alentours qui ait la plus mauvaise réputation. Il courait cependant des rumeurs sinistres de viols collectifs dans les caves, et à vrai dire, si l’on ne courait guère de risques à la traverser en plein jour, il valait mieux éviter d’y passer de nuit, surtout si l’on était une fille. A l’époque, elle était peuplée de blancs, « petits blancs » pour beaucoup mais pas seulement puisqu’il y avait aussi les instits de l’école, quelques profs, des employés ; ce sont les premiers à l’avoir quittée pour un pavillon, et au fur et à mesure tous les blancs sont partis, seuls les plus vieux aux maigres retraites y sont restés. Elle s’est ensuite peuplée d’immigrés, et les mêmes histoires de viols dans les caves subsistent, ce qui n’est donc pas une spécificité de la population actuelle.

 

Là où l’amertume devient désarroi, c’est lorsqu’elle dit que, porter le foulard, c’est vivre autrement, selon d’autres paramètres. Et vivre selon ses paramètres, c’est être musulmane, devenir musulmane. Et là, en dépit de toute la compréhension et même la sympathie que je peux éprouver pour elle en lisant son blog, un mur infranchissable s’élève, irrémédiablement.

 

Sans doutes préfèrerais-je avoir une jeune collègue comme elle plutôt qu’une émule de Boutin. Son foulard sur la tête pour parler par-dessus un ordinateur ou faire la pause café ne me dérangerait pas particulièrement. A vrai dire ça me serait même indifférent. Pour peu qu’elle ait le bon goût de ne pas me parler du bon dieu, ça me plairait infiniment plus qu’une emmerdeuse avec une croix en sautoir me remettant le petit Jésus sur le tapis à tout bout de champ.

 

La question n’est pas tant dans les rapports personnels, parce qu’on a ou pas des atomes crochus avec les gens selon les hobbies, les goûts personnels artistiques ou littéraires, les affinités au niveau du caractère, etc. Le problème se pose, pour moi, au niveau de la représentation qu’on se fait d’une communauté et plus encore, et surtout, de l’impact qu’a celle-ci sur vous au quotidien.

 

Je vais tenter de m’expliquer. Quand je suis arrivée, depuis Orly, à la station du RER où je suis descendue, et qui était autrefois une gare de banlieue où il m’arrivait de prendre le train jusqu’à Gare du Nord, vers sept heures et demi, j’étais la seule blanche. Je n’avais tout simplement pas l’impression d’être en France, chez moi, dans le pays où je suis née, où sont nés mes aïeux depuis des siècles. Certes, la gare n’était plus la même, elle avait été modernisée. Mais ce n’était pas la cause première de mon dépaysement. Certes, les gens parlaient, entre autre, français, mais un drôle de français ; pas celui que je parle habituellement avec ma famille. Il n’y avait que des noirs, disons plutôt en dégradé du clair au foncé. En observant plus attentivement en attendant l’autobus qui tardait à venir à cette heure, me sont apparues deux catégories bien distinctes. Cela ne dépendait pas tellement de la couleur, si je puis dire, mais de tout un ensemble de facteurs différents selon lesquels il m’était possible de déterminer qui était français et qui ne l’était pas. Il y avait par exemple cette femme qui parlait dans une langue inconnue dans son portable, flanquée de trois mouflets qui ne devaient pas avoir plus de dix-huit mois de différence, et qui était enceinte d’un quatrième. Cette autre avec sa fille d’environ sept ans, plutôt bien habillées, qui ne prenait pas le bus parce que son mari l’attendait en voiture. Cette autre encore assise sous l’abris du bus et plongée dans un gros bouquin et qui n’en aurait pas levé le nez même au son de la fanfare. La seule chose « parisienne », ou plutôt citadine, qu’avaient en commun ces gens, c’était de ne pas s’adresser la parole. En province, les gens ne restent pas dix minutes à attendre un bus sans se mettre à parler de la pluie et du beau temps.

 

Quelques jours plus tard, je me suis aperçue que faire les courses n’était pas simple, bien que les boutiques et les supermarchés ne manquent pas. Là encore, je vais tenter de m’expliquer. Si l’on est français de souche, et donc généralement dans une zone pavillonnaire, de plus en plus souvent mixte dans une commune de Seine-Saint-Denis, c’est un peu le parcours du combattant. En fait, on peut se ravitailler en produits alimentaires autochtones soit au marché, soit dans les quelques boutiques qui subsistent comme les charcuteries, soit dans un supermarché relativement *chic*, soit en allant chez Carrefour. Sinon, les autres commerces et gérances de petites surfaces sont tenues par des arabes. On n’y trouve donc pas de porc sinon sous plastique dans les supérettes et de la pire qualité qui soit, et très peu de choix dans la variété. Pareil pour les vins. On trouve évidemment tout le reste, à des prix très abordables, et de qualité tout à fait correcte. Et tout ce qu’on veut comme plats cuisinés asiatiques ou maghrébins. J’aime bien les nems, le cous-cous et les tagines aussi, mais une fois la semaine, ça me suffit. Le reste du temps, j’ai envie de manger gaulois. Je suis entrée un jour dans une boulangerie où j’avais autrefois l’habitude d’aller. Une jeune femme sortit de l’arrière boutique, en blouse blanche à liseré, avec un foulard couleur saumon sur la tête ; la gérance avait changé. Je lui ai acheté ma baguette, bien sûr, mais je n’y suis jamais retournée. Derrière moi sont entrées des personnes qui ont salué la boulangère dans leur langue ; en France, j’ai envie d’entendre parler français.

 

Alors, inexorablement, les blancs s’en vont, les commerces aussi, et les habitudes alimentaires traditionnelles s’en vont avec eux.

 

Des anecdotes sur la vie quotidienne en banlieue, je pourrais en raconter à la pelle. Comme celle du père d’un des amis de mon frère. Ce vieil espagnol, adhérent à la CGT, avait fait baptiser ses trois enfants pour faire plaisir à sa femme, puis il n’avait plus voulu entendre parler de communion ni du reste. Quelques décennies après l’acquisition de son pavillon, le sort avait voulu que le pavillon d’à côté soit transformé en mosquée non règlementaire. Une « mosquée-cave », sauf que c’était un pavillon. Il ne pouvait pas supporter « ces imbéciles qui se prosternaient à quatre pattes devant le bon dieu, c'est-à-dire devant rien, jusque sur le trottoir ». C’est donc précisément le vendredi soir à l’heure de la prière mahométane qu’il devait impérativement tondre sa pelouse avec sa tondeuse pétaradante qu’il avait montée lui-même. Et si, l’hiver, le gazon avait tout de même la queue courte, il devait nécessairement faire brûler des feuilles mortes et autres branchages de ses haies, ou faire un barbecue de saucisses, ou faire griller la sardine bien qu’il ne fût pas portugais, histoire d’enfumer ses indésirables voisins. Je ne sais pas ce que pourraient trouver à objecter les indigènes ; qu’il n’avait qu’à retourner chez lui au pays peut-être, mais au bout de tant de décennies et arrivé à l’âge de la retraite, il ne supportait plus la chaleur et ne s’y rendait qu’au printemps et à l’automne. En outre, les manies de « là-bas » (avant Felipe Gonzalez), l’agaçaient. Et puis il avait ses habitudes en banlieue, son médecin, son dentiste, etc.

 

Elle ne manque pas de lucidité, la blogueuse voilée qui est à peu près de l’âge de ma fille, quand elle dit que, pour sa génération, les dés étaient pipés et que les jeux étaient faits d’avance. Encore que la précarité soit un lot commun pas seulement pour ses congénères indigènes. Elle espère mieux pour la prochaine, qui sera celle de mes petits-enfants. Peut-être. Je ne sais pas. Peut-être parce que je suis plus désenchantée qu’elle, étant plus vieille, et que je ne me fais guère d’illusion sur le genre humain, mais ça n’en prend pas le chemin. Dans les conditions actuelles, cela me semble parfaitement impossible. Il faudrait une politique résolument différente de celle qui est. Peut-être celle de mes arrières-petits-enfants connaîtra-t-elle une amélioration… si le monde ne pète pas avant.

 

 
Ecrit par Lory, le Vendredi 28 Décembre 2007, 17:45 dans la rubrique Paris-Banlieue.

Commentaires :

lorycalque
lorycalque
29-12-07 à 02:00

Conclusion

Oui bon donc, chez "la voilée" en question, l'histoire se termine assez platement avec Tariq Ramadam.
A 20 ans on a une vie devant soi pour changer, d'accord, mais moi j'ai passé l'age des changements, et je garderai certaines convictions.
Ces gens là veulent la guerre, et sans doutes ils l'auront. Malheureusement.
Je ne m'imagine décidément pas dans une Europe islamisée, et c'est justement ce qu'ils veulent, ces indigènes &Cie.
 

 
lorycalque
lorycalque
30-12-07 à 11:40

Post scriptum: Va te faire lapider

Notons tout de meme que "la voilée désabusée" (désabusée à 20 ans sous son voile, ça en jette, hein, vous ne trouvez pas?) écrit texto:
"(notons au passage que même dans les universités parisiennes, Tariq Ramadan n'est pas épargné. Pauvre de lui! En tout cas, c'est trop d'honneur pour moi que de me comparer à T. Ramadan)."
Peu m'importe le contexte, qui selon elle ne s'y prétait pas, elle a d'ailleurs de ce point de vue raison, mais quand elle dit que même dans les universités parisiennes, Tariq Ramadan n'est pas épargné, je ne vois pas pourquoi il devrait l'etre. Reste que c'est trop d'honneur pour elle que d'etre comparée à frère Tariq, ce qui est significatif.

Je n'ai pas de sympathie pour Robert Redeker, mais il a tout de meme reçu des menaces de mort de la part des petits frères de la voilée désabusée. Quand Hani frère deTariq Ramadan est venu  à Lyon, il n'en a reçu aucune. Il n'y eut que l'Association Regard de femmes à manifester contre l'arrivée du prédicateur pour "enseigner". Rappelons quand meme que ce brave Hani est célèbre, entre autres, par ses propos expliquant le sida comme une punition divine, et demandant l’application de la lapidation pour les femmes adultères.

 

 
lorycalque
lorycalque
31-12-07 à 19:44

...et fouetter par les pasdaran

A la question "es-tu féministe" (ce que je me demandais à son sujet), la voilée désabusée (chochotte va) répond:

je ne me considère pas comme féministe (chiennes de garde and co), humaniste oui. Je n'aime pas les clivages entre les sexes.
Dans ma religion, l'homme et la femme sont complémentaires. Il y a une égalité de droit entre les deux sexes.

C'est-y pas beau ça ? Du plus bel essentialisme qui soit.

Va te faire fouetter par les pasdaran, ils ont un sens certain de la complémentarité et de l'égalité de droit entre les deux sexes.