La splendide baie d’Ajaccio, et au
loin dans le soleil couchant, les îles Sanguinaires. La base nautique au pied
de la tour Gênoise. Caravelles, Vauriens, quelques Optimistes pour les enfants,
des Quatre-vingt et des Quatre-soixante-dix, à l’époque il n’y avait pas de
catamarans comme maintenant. Cela me changeait bien de la région Parisienne,
d’ailleurs mes quinze ans étaient avides de grand air, l’évasion de la banlieue
était toujours une fête.
Un village de bungalows plutôt joli pour
l’époque, et assez grand, avec des jardins formant autant de placettes et de
patios où le rose de Tyr des
bougainvilliers tranchait sur le crépi rustique blanc des murs. Tout un monde
familial en vacances.
Quelques jours de Caravelle avec pêle-mêle les marmots, les rombières qui
avaient peur de l’eau et leurs maris
grassouillets qui se prenaient pour Surcouf, et les dériveurs étaient à nous.
Avec une copine un peu plus âgée que moi et qui préparait le CREPS, quand on
n’était pas au tennis ou à la plage, on était à la base nautique où on
retrouvait les copains. C’était le point de ralliement de la jeunesse, et la
tour Gênoise se prêtait bien aux fêtes nocturnes, que je commençais à
fréquenter cette année là parce que bizarrement en vacances mes parents étaient
moins pointilleux sur les horaires et j’avais « la permission de
minuit », puisque de toutes façons personne n’allait se coucher
avant ; en Corse, il fait chaud.
J’avais un peu appris à faire de la voile avant avec mon père, entre douze
et quatorze ans, qui m’emmenait comme équipière à la place de ma mère qui était
bien contente d’y échapper. Il me collait au foc et c’était dur pour mon
âge ; border la voile ça fait mal aux mains et c’est chiant.
Mais c’est
vraiment cette année là, en Corse, que j’ai appris à barrer après avoir suivi
les cours théoriques où on nous enseignait les rudiments de la navigation. J’ai
continué à faire de la voile par la suite quand les occasions s’en sont présentées, ce qui arriva souvent, en habitant au bord de la mer, ça n'a rien d'étonnant.
Avec la copine, on mettait le cap sur les îles Sanguinaires, qui nous servaient de point de repère. Si le vent se
levait et que nous dessalions après une embardée en virant de bord, nous
savions qu’un providentiel zodiac viendrait nous chercher ; d’ailleurs,
nous avions les gilets de sauvetage, et le chef de base nous zyeutait à la
jumelle.