Je suis française de souche, ce qui signifie que je suis issue d’immigrés de différentes provinces françaises à Paris à la fin du XIXème siècle et au début du XXème, installés dans le XXème arrondissement puis dans l’Est parisien. Et je suis brune. Et même très brune, bien qu’une partie de ma famille soit originaire de la très celte Auvergne et de l’Aisne et qu'ils soient plutôt blonds, aux yeux bleus. Les hasards de la génétique m’ont davantage faite ressembler à une andalouse, de sorte que je tranchais assez sur la couleur des autres, à l’école ou ailleurs, où le châtain dominait.

Combien de fois ne m’a-t-on demandé avec suspicion : « mais vous devez être d’origine espagnole, italienne ou portugaise ? ». Bah non. Pas que je sache aussi loin que je puisse remonter dans la généalogie de mes aïeux (à vrai dire, il est difficile de remonter au-delà de la Révolution pour la majeure partie des familles françaises puisqu’avant l’Etat Civil n’existait pas et que les registres paroissiaux étaient assez approximatifs, quand ils ont subsisté jusqu’à nous. Tout au plus puis-je supputer une lointaine ascendance protestante du côté paternel, ainsi que par ailleurs piémontaise par de là les siècles).

Adolescente, que n’aurais-je donné pour être d’une blondeur de cover-girl de magazine féminin ? Ça tournait à l’idée fixe, et j’avais décidé de me teindre en blonde. Je fis donc part de ma décision à ma mère qui poussa des hauts cris. « En blonde ?! Mais tu vas être affreuse ! Ça ne t’ira pas du tout ! ». Rien à faire. Brune, c’était moche. C’est pas ce qui plaisait aux garçons. Au moins châtain clair ? Et si je me décolorais à l’eau oxygénée ? Ce fut la corrida pendant des semaines à la maison. Ma mère prit à témoin toute la gent féminine de la famille, depuis l’arrière-grand-mère jusqu’aux tantes qui toutes se récrièrent devant cette lubie et, de l’avis unanime, ça ne m’aurait pas été du tout. Rien n’y faisait. J’en avais marre qu’on me demande tout le temps si par hasard je n’était pas d’origine ceci ou cela.

Ma mère excédée finit par me dire un jour froidement sans s’énerver que « ça se verrait que j’étais teinte, parce que mes sourcils étaient noirs, et qu’en un rien de temps on verrait mes racines ». Ça me posa un problème certain auquel je n’avais pas pensé. Quand on est ado, on n’a souvent pas beaucoup de suite dans les idées. J’ai commencé à douter du résultat de mon entreprise, et je finis par m’accepter telle que j’étais. Il ne m’est plus jamais venu à l’idée par la suite de changer de couleur.

S’il y a par ailleurs une chose qui m’a plû quand je me suis retrouvée en Italie par le plus grand des hasards, c’est qu’on ne m’a jamais trouvé « trop brune » pour être italienne. Et comme j’avais un accent indéfinissable qu’on ne détectait pas au premier abord à partir du moment où j’ai commencé à parler italien couramment, on m’a plutôt demandé si je n’étais pas grèque, ou argentine, ou brésilienne, mais ça n’avait pas la connotation de suspicion que ça avait en France.

Ça a d’ailleurs des avantages, d’être brune. Ça permet entre autre de passer inaperçue dans un grand nombre de pays du globe, de se mimétiser, du moins tant qu’on n’a pas à parler. Mais même si l’on s’y trouve obligée, on a certainement moins de problèmes qu’en étant blonde, comme j’ai pu m’en rendre compte en amérique latine par exemple, où ailleurs.