Comme chacun sait, les Gaulois
N’ont peur de rien sinon
Que le ciel leur tombe sur la tête,
Ou un astéroïde, c’est pour ça
Qu’ils se mettent un casque avec des ailes,
Mais bon, pour cette fois
Leur frayeur était plus terre à terre :
Languide et monotone en Gaule Cisalpine
Coule un long fleuve tranquille, le Pô.
Sur ses rives vivait une tribu celtique
Accomplissant chaque an
Le sacré rite de la fiole magique*
Qu’on emplissait d’eau pure car en ces temps bénis
Il n’y avait pas encore de dioxyne dans les puits.
Sous les yeux ébahis de toute
Naissait un Nouveau Peuple, une Nouvelle Patrie
Mirifique en pays Cisalpin :
« Hell ! (Enfer –et damnation-)» dirent les Bretons,
Petits et grands, flegmatiques, et même
Les Irlandais les plus celtiques
N’en revenaient pas. Quant aux Rèmes
Et autres Éburons, ils en restèrent pantois.
« Diantre ! » dirent les Lutéciens
Toujours sceptiques, « Que veulent ceux-là ?
Faire la pige aux Corses (qui , eux, ne voyaient pas
D’un bon œil tout ce continent-là)
Il ne manquait plus que ça ! ».
Santons et Pictons s’en désintéressèrent
Et retournèrent à leurs oignons,
Volques et Rutènes à leurs châtaignes,
Et les Arvernes à leurs choux.
« Des clous !» dirent les Allobroges
Qui les avaient pour voisins et les connaissaient bien.
« Savent pas manger la fondue, ces gens là.
Bons à jeter au fond du lac
Avec une pierre au cou ».
« Ni la raclette », entendit-on du tac au tac,
Sur l’autre rive où l’on est laconique.
« Pas assez aseptiques », dirent les Helvètes,
Toujours tâtillons et hautains.
Lassés par les queues sur l’autoroute
(ou le grain transgénique, on ne sait pas),
Éduens et Sénons dirent : »Y’en a marre,
Non c’est non, c’est polluant ».
De l’autre côté du Rhin, on entendit en chœur
Grommeler les Teutons:
« Mensch ! (merdum, en latin).
S’ils nous coincent encore le Brenner,
Station-Wagon nicht passat, on est bons
Pour aller nous les geler sur
Au lieu de nous la dorer sous le soleil latin ! »
*Pour les désinformés: procession rituelle et annuelle (désormais oubliée) des mystes consistant à aller recueillir de l'eau dans une fiole à la source du Pô.