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La météo de la station ANPE

Par un après-midi froid et pluvieux, un temps d’ANPE, je m’y rends pour avoir quelques informations et utiliser gratuitement leurs ordi pour consulter leur site et éventuellement imprimer ce qui m’intéresse, et leur téléphone pour les annonces.

 

Il y a une dizaine de machines, mais trois sont hors d’usage, et deux seulement ont une imprimante en état de fonctionnement. J’attends qu’une se libère et m’y colle, et m’assoie devant un clavier crasseux et gras plutôt répugnant. J’ai les ongles assez longs pour ne taper que du bout, ça tombe bien. L’imprimante me débite de travers avec une traînée noire ce dont j’ai besoin mais je m’en contente. Puis je vais à l’ « Accueil » demander ce que je suis venue demander. Il doit y avoir deux ou trois personnes devant moi qui poireautent en attendant leur tour, et deux mochetés aux alentours de la quarantaine qui se voudraient le chic et le look soi-même en personne s’interrogent pour répondre à une brave dame en tennis par le froid qu’il fait et vêtue de façon informe, et qui pour être française « de souche » n’en maltraite pas moins le français et paraît avoir de sérieux problèmes avec les accords grammaticaux. Ceux qui z’ont fait leurs zeures n’ont pas les papiers, ou le contraire. Puis c’est le tour d’un jeune maghrebin qui lui s’exprime dans un français au moins aussi bon que les deux mochetés pète-sec, mais je ne sais pas si c’est pour une question de chic ou de look, toujours est-il que les deux mochetés sont du côté de ceux qui ont un taf et lui de ceux qui n’en ont pas. Ça prend un certain temps parce qu’apparemment les deux mochetés doivent confabuler pour répondre tellement ce qu’on leur demande paraît compliqué bien que je suppose qu’on doit souvent leur demander la même chose et rarement la lune.

 

L’une est trop maquillée, plâtrée au fond de teint, avec des boucles d’oreilles moches trop longues et trop grosses qui s’accrochent à la laine de son pull de sorte que l’une d’elle n’est plus précisément à la verticale mais suit une curieuse oblique, ce qui confère un certain ridicule à son look.

 

L’autre est gringalette et blafarde derrière ses lunettes qu’elle se remonte avec le médium d’un geste qui se voudrait chic et pourrait être gracieux si elle n’avait des mains osseuses et blêmes. Celle-là est perchée sur des bottes à talons aiguilles qui flottent un peu autour de ses mollets maigrichons, et comme elle les remplit mal, elle se tortille les pieds à chaque pas. Elle finit pas disparaître en trottinant sur ses échasses flageolantes dans un antre au fond d’un couloir avec une liasse de paperasse en emmenant à sa suite le jeune maghrebin pour un "entretien" lance-t-elle à voix haute pour faire remarquer l'importance des prérogatives que son métier lui confère. Le pauvre...

 

Je suis absorbée dans une profonde méditation, me demandant en quelle langue il me convient de siffler dès que l’outrancièrement fardée va me donner le moindre signe de me prendre de haut puisqu’elle est du côté de ceux qui ont un taf et pas moi. Ça ne devrait pas me demander un gros effort vue sa dégaine : une dégaine de « BEP amélioré » par un stage de formation professionnelle. Ça ne rate pas. D’abord elle ne comprend pas bien ce que je lui ai expliqué plus clairement qu’un théorème. Je lui répète. Ah, ça y est. Elle a compris. Si je passe à une demande plus compliquée, ça ne va pas être de la tarte. En attendant elle me répond d’un air mal aimable qui signifie que je l’emmerde avec mes questions. Elle sèche sur la seconde et me répond que je dois m’adresser à l’agence qui a publié l’annonce. Comme c’est à l’autre bout de Paris et que je n’ai pas envie d’y aller pour rien, ce que je lui objecte, elle me dit  que chaque agence travaille différemment (?) et qu’elle n’en sait rien, que je dois aller là-bas. Je lui suggère de téléphoner à cette autre agence. Elle me regarde d’un air excédé et me répond que les téléphones sont à disposition du public et la communication gratuite pour le circuit intérieur. Je lui réponds que le numéro n’est pas mentionné sur le formulaire que je lui tends, comme elle peut le constater. Elle se décide en soupirant à prendre un annuaire sous son comptoir qu’elle commence à feuilleter, trouve le numéro, appelle. C’est occupé. C’est moi qui commence à perdre patience. Bovine, elle continue une action jusqu’au bout comme un automate sans la moindre initiative pour l’abréger, ou lui donner une quelconque efficacité. Je lui demande de m’écrire ce numéro sur un bout de papier, ce qui devrait tout de même rentrer dans le domaine de ses compétences sans trop lui fatiguer les méninges, lui disant que je vais appeler moi-même, parce que derrière moi la queue s’allonge.

 

Maintenant qu’elle est au téléphone, elle ne veut plus le lâcher. Je ne sais pas ce qui se passe dans sa cervelle, sans doute veut-elle démontrer qu’elle tient la situation en main, qu’elle est celle qui détient le pouvoir et que les gens de l’autre côté de son pupitre dépendent d’elle ; mais pour l’heure elle n’a en main que le récepteur du téléphone. Je m’agite et me retourne pour attirer son attention sur la queue qui s’allonge et elle se décide enfin à me donner ce foutu numéro. Il était temps, j’allais siffler. J’avais opté pour l’anglais, ça fait classe. Well, do you wanna hold this phone till tonight ?

 

De toutes façons elle n’aurait pas compris ce que je disais mais aurait reconnu la sonorité de la langue anglaise, m’aurait regardée avec des yeux ronds de grosse vache, j’aurais pris l’air de quelqu’un qui parle soudain pour soi-même à voix haute en se souvenant de quelque chose. Ça ne coûte rien et ça défoule, et c’est un bon moyen, entre autre, pour changer une situation et passer à autre chose rapidement sans se tuer à donner des explications.

 
Ecrit par Lory, le Dimanche 9 Décembre 2007, 10:55 dans la rubrique Paris-Banlieue.