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Les autochtones de la République

C’est en lisant, il y a déjà plusieurs mois, cet article sur le blog de VinZ , que j’avais découvert le site des indigènes de la République, qui m’avait tout de même sidérée, et dans l’ensemble je suis assez d’accord avec ce que dit VinZ dans son article.

 

Je m’étais alors demandé qui donc nous pouvions bien être , nous autres « français de souche » dont personne dans nos familles n’avait jamais mis les pieds « aux colonies », n’était jamais sorti de sa province durant des générations et des générations, n’avait jamais vu un maghrébin ou un noir avant qu’il n’en vienne en « métropole ».

 

Nous dont les grands-parents ou les arrière-grands-parents avaient eux-mêmes émigré depuis leur campagne du fin fond de la France lors de l’exode rural pour venir dans les quartiers populaires de l’est parisien, et qui auparavant n’avaient jamais été autre chose que des brassiers, des journaliers, des métayers sur les terres de quelques hobereaux, sur les domaines de quelques familles nobles, et ce probablement depuis le Moyen-âge. Les autochtones ?

 

Cette vision qu’ils ont des blancs me consterne. Comment puis-je me reconnaître dans les méchants colons ? Que pouvaient avoir de commun mes ancêtres avec les riches armateurs de Nantes ou de Bordeaux ? Rien. Absolument rien sinon la couleur de la peau. Quand les aïeux des indigènes étaient esclaves, les miens n’étaient pas grand-chose d’autre que des serfs. Quand leur ancêtres étaient aux prises avec les colons, les miens étaient ouvriers dans les usines et les fonderies de l’est parisien où ils faisaient 10 heures par jours 15 jours de jour et 15 jours de nuit dès l’âge de treize ans avec le dimanche pour seul jour de congé, sans jamais de vacances.

 

En parcourant le site des indigènes par la suite, j’ai été assez étonnée par la vision qu’ils ont de l’histoire de France, qu’ils revendiquent comme leur pays. Je ne nie d’ailleurs pas qu’il soit aussi le leur, et ce n’est pas la manière dont ils considèrent la colonisation ni la perception qu’ils ont d’eux-mêmes à l’intérieur du pays qui m’a surprise, mais tout autre chose.

 

A les lire, on a l’impression que pour eux, l’histoire de France commence avec la Révolution. En somme, pour eux la France a deux cents ans. C’est, pour moi qui ai vécu la moitié de ma vie en Italie, pays s’il en est où l’on sent le poids de l’histoire, où celle-ci prend un sens, et qui plus est en Toscane, cette ancienne Etrurie où il est si facile de côtoyer, pour peu qu’on s’y promène, des vestiges vieux de près de trois millénaires, ce berceau de l’Europe moderne parce que c’est là et pas ailleurs qu’elle naît au trecento, tout à fait sidérant.

 

J’ai, soudain, pris conscience que pour eux, la splendeur des cathédrales qui caractérise le paysage comme les plus humbles clochers qui parsèment les campagnes de France, qui nous sont si familiers, ce paysage que j’aime tant, et que je n’ai jamais oublié, leur est parfaitement étranger et ne signifie rien pour eux.

 

Non que ces monuments me soient chers parce qu’il sont l’expression du catholicisme ; je ne suis pas croyante. Mais les monuments représentent pour moi le travail et la sueur d’un peuple, et l’expression de son sens artistique, de son génie. Pour cette raison je considère qu’ils appartiennent aux peuples qui les ont construit, qu’ils sont leur patrimoine .

 

Je ne parviens décidément pas à m’imaginer mon pays parsemé de minarets, et encore moins l’idée d’entendre le muezzin 5 fois par jours. (Pour avoir voyagé dans des pays musulmans je sais de quoi je parle, c’est pénible, je ne pourrais jamais m’y faire, et du point de vue du dérangement, les cloches, ça l’est moins et le son étant plus cristallin est moins désagréable, d’autant qu’elles ne sonnent pas la nuit.) Je m’excuse de cette digression auprès de mes lecteurs tant autochtones qu’indigènes, mais enfin j’éprouvais le besoin de le dire.

 

 

En lisant leur manifeste féministe, j’en ai conçu, comment dire ? De la déception. Si, parce qu’elles sont indigènes, elles refusent que je parle aussi pour elles, alors moi, je refuse qu’elles parlent aussi pour nous autochtones . Parce que non, je ne me sens pas indigène. Je ne me sentirai jamais comme elles, c’est tout à fait impossible, je n’ai pas le même passé, pas la même histoire. L’histoire de mon pays a beaucoup plus de deux siècles; si les indigènes se considèrent françaises, elles ont le devoir de la connaître toute entière. Je ne considère en revanche pas devoir assimiler celle de leurs pays de provenance. Elle ne me concerne pas, je n’ai pas le devoir de m’y intéresser si je n’en ai pas le goût, comme j’ai par exemple celui des civilisations anciennes. Cela ne fait partie ni de ma fibre ni de ma culture et je ne suis pas dans l’obligation de m’y intéresser. Je suis tenue de connaître le phénomène de la colonisation parce qu’il fait partie de l’histoire de mon pays même si mes ancêtres n’y prirent aucune part, pas d’intégrer une religion qui ne m’intéresse pas telle que l’islam qui ne signifie rien pour moi.

 

Et ceci est une autre chose qui, après avoir parcouru le site des indigènes, me laisse immensément perplexe et que je ne sais par quel bout prendre, que ce sentiment de l’omniprésence de l’islam comme élément prépondérant autant que déterminant qui s’en dégage. Dans la perspective de l’histoire j’entends, évidemment, non pas dans une perspective religieuse dont je n’ai que faire.

 

Pour moi, l’islam est, comme les autres religions, une création culturelle d’ordre spirituel, en l’occurrence pour ce qui la concerne, vieille de treize siècles. Ce n’est pas peu, mais enfin elle est apparue comme les autres largement après la fin du néolithique. Ça me paraît incroyable de pouvoir penser qu’à part ça il n’y avait rien. Mais le maghreb, comme d’autres parties du monde méditerranéen, avait toute une histoire auparavant ! Les civilisations de la méditerranée sont sans doutes les plus anciennes du monde. Les régions dont les familles de ces indigènes sont originaires n’ont pas connu que l’islam ! Non seulement elles ont fait partie de l’empire romain pendant au moins plus de la moitié du temps où elles ont été et sont encore musulmanes, quand elles n’étaient pas de culture grecque auparavant comme Alexandrie d’Egypte, mais en plus elles avaient déjà toute une histoire avant, et même une civilisation, parce qu’enfin les carthaginois et avant eux les phéniciens n’étaient pas précisément ni des barbares ni des sauvages. Ce sont mêmes ces derniers qui ont inventé et diffusé le prototype de l’alphabet dans tout le monde méditerranéen. Ça me paraît tout simplement impensable que les indigènes ne déterminent leur identité qu’en fonction de cette religion qu’est l’islam, au jour d’aujourd’hui dans le monde contemporain, et qui plus est en France, pays latin, dont ils se reconnaissent et considèrent comme faisant partie intégrante, et voudraient être considérés par les autochtones.

 

Le site des indigènes me donne par trop le sentiment que nous devrions les accepter sans qu’ils nous acceptent, en vertu d’une soi-disant dette coloniale que je ne me sens pas d’avoir à payer sinon dans les livres d’histoire, qu’en quelque sorte ils se considèrent comme français à notre place, un peu d’ailleurs comme les palestiniens voudraient être juifs à la place des juifs. Non. L’islam ne peut pas être tout à la place du reste, ce n’est pas possible.

 

Enfin, et en dernier lieu, paradoxe absurde autant qu’illogique, les indigènes, qui semblent connaître et ne revendiquer que les deux derniers siècles de l’histoire de notre pays, revendiquent la Révolution et la philosophie des Lumières qui la fit éclore. Ils se reconnaîssent comme citoyens de la République française au nom de l’universalisme républicain qu’ils réfutent par ailleurs dès qu’il s’agit de l’islam. Ils font tout simplement abstraction du fait que la République s’est construite contre la religion, contre le christianisme, le catholicisme. Et nous devrions désormais vouloir une République avec l’islam ?

 

Autant dire qu’au bout du compte les indigènes et ceux qui les soutiennent, féministes ou altermondialistes que ce soient, militent pour une république islamique, new wave, new-look tant qu’on voudra, mais islamique.

Pour moi, ce sera la République tout court. La religion, quelle qu'elle soit, m'est un supplément inacceptable.

Ecrit par Lory, le Samedi 3 Novembre 2007, 23:55 dans la rubrique Actualités.

Commentaires :

Emelire
04-11-07 à 17:01

ben j'ai été lire l'article dont tu parles et pour ce que j'en ai constaté c'est assez vrai, et pendant les manifs, c'est de la demande de voile ... ça tourne autour de ça. Moi le voile politisé comme ça, non. Moi aussi ça me semble dur à comprendre, cet acharnement, et même cette haine, mais bon ... voilà il faut le savoir, ça existe.

 
lorycalque
lorycalque
04-11-07 à 20:31

Re:

Pour ce que j'ai pu constater sur le web, celles qui les soutiennent (parmi les autochtones) sont en quelque sorte des machottes qui tiennent un discours qui n'est pas toujours très différent de celui des masculinistes, ou des spartiates du militantisme altermondialiste, ou un genre de bonnes-soeurs laiques qui ont laicisé le catholicisme mues par un idéalisme gentillet et surtout une bonne dose de narcissisme d'ex-minettes.