Vu du haut du promontoire, le golfe décrit un cercle presque parfait. Tellement parfait que c’en est étrange, une telle harmonie. Je connais bien cet endroit. Je l’ai peint, dessiné, photographié tant de fois. Je l’ai arpenté d’un bout à l’autre, pas un détail qui n’échappe à ma mémoire. J’en connais les rochers, sa plage et sa grève. Je m’y suis si souvent baignée, je connais la déclivité du sable sous l’eau. J’en connais les promontoires à chaque extrémité, et le panorama qu’on y découvre en contre- bas, pouce par pouce à 180° sur l’horizon. Les grands pins-parasols derrière ses dunes basses couvertes de garrigue, les paillettes du fer étrusque qui miroitent mêlées au sable doré sur la plage, les galets roulés sur le bord mélangés aux scories qu’on ne distingue pas d’eux au premier regard. De la route étroite qui mène au château médiéval au sommet du promontoire, on voit la mer des deux côtés ; l’Elbe au sud-ouest, et à l’est le golfe tel un lac rond, miroir immobile, l’ouverture entre les deux promontoires est alors masquée à la vue.
C’est un cratère de volcan. (Et si ça n’en est pas un, ça y ressemble). L’eau du s’engouffrer entre les deux promontoires voici quelques 10 000 ans, peut-être même davantage, quand les eaux sont montées suite à un changement climatique.
Tout autour, les nécropoles étrusques, les carrières de pierres et l’emplacement des fourneaux qui leur servaient à fondre le fer, les vestiges de leur habitat, qui existait déjà bien avant que ne se forme la nation étrusque. Au beau milieu du golfe, quelques récifs curieusement plats, tout au bord sous l’eau, qui affleurent à peine, recouverts de petites moules et de toute une flore aquatique. Et les jolies dorades grises rayées de jaune qui vous passent entre les jambes, en ban quand les petites sont nées, et qu’elles y viennent manger.
Ce que j’ai longtemps pris pour de quelconques rochers est en fait quelque jetée portuaire effondrée, et millénaire.
Quand le soir tombe, et la brise aussi, que plus un souffle n’agite le maquis, le temps est suspendu, et le paysage seul reste , immuable, éternel.
On prend conscience du temps, des millénaires qui se succèdent, dans un tel paysage ; et quand on le peint, on suspend le temps sur la toile au bout d’un pinceau.
S’il y avait une classification des paysages, celui-ci y serait répertorié ; c’est un des plus beaux que je connaisse en méditerranée.
De l’autre côté du promontoire nord commence l’immense plage,
En de-ça du promontoire sud, face à l’Elbe, une côte déchiquetée aux rares criques rocheuses difficilement accessibles par voie de terre. Du ressac même par beau temps, ici la mer n’est jamais à l’étale. L’eau y est claire, toujours limpide, poissonneuse, toute une flore sous-marine parsemée d’oursins y demeure, quelque murène aussi. Endroit superbe, et dangereux.
Une des choses que je préfère peindre à l’aquarelle, ce sont les fonds marins.
De grandes plages de sables fin jaune d’or en pente douce où s’intercalent des pointes rocheuses accidentées. Derrière, le maquis, immense tache vert sombre. Il n’y a pas de requins en méditerranée comme chacun sait, mais j’en ai vu un de bien trois mètres dans un petit port de pêche ramené par un chalutier au petit matin à