Raccompagnée vers
sa vie, la vie qu’elle aime et qu’elle a choisi. La vie d’une jeune femme libre
et autonome, comme il est juste qu’il soit. Et moi je suis retournée vers la
mienne, une vie que je n’aime pas et que je n’ai pas choisie. Rien ne me plaît,
dans cette vie qui est la mienne, à part mes enfants, qui sont mieux que leurs
pères et la seule chose de bien que j’en ai vraiment obtenu.
Je suis d’humeur
sombre ce soir.
A l’âge de ma
fille, j’étais déjà mariée avec son père depuis plus d’un an. Un échappatoire,
le moindre des maux mais un mal quand même, puisque je n’avais décidément pas
la possibilité de me créer une vie à moi, libre et indépendante, comme je
l’aurais souhaité. A l’époque, ça ne ce faisait pas, ou très difficilement. Les
batailles féministes et les sacrifices des femmes n’ont cependant pas été
vains. Quand je pense à ma fille, j’en ai la certitude. Non, je ne suis
vraiment pas décidée à céder un pouce de ce que nous avons obtenu. Qu’ils
aillent se faire foutre, les pro-vie, le culs-bénits. Qu’ils osent venir me
parler de saints fœtus, à moi qui ai eu les enfants que j’ai voulu quand j’ai
voulu et avorté quand je n’en ai pas voulu en dépit de la contraception que
j’ai toujours utilisée mais qui ne marche pas à tous les coups. J’ai un monceau
de scories ferrugineuses bien lourdes et bien denses en réserve, à leur envoyer en pleine gueule, de quoi les lapider
comme des rats qu’ils sont.
Je suis d’humeur
sombre et pense aux années qui me restent à vivre. Je vais… je ne sais pas.
Changer de vie. D’une manière ou d’une autre.