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Sous un ciel tout bleu

Contrairement à la semaine dernière où la mer était en furie, elle était à l’étale, comme un lac. Dans le petit matin encore brumeux, du haut de la corniche, je voyais à l’horizon ce bateau, blanc, suivre son bonhomme de chemin vers le port, avec son léger panache de fumée gris-banc s’échappant dans le ciel, me faisant penser à un tableau de Nicolas de Staël. Il lui faudrait encore une bonne demi-heure avant d’amarrer ; j’avais donc tout mon temps et roulais lentement pour profiter du paysage encore dilué dans la brume.

 

Blanc, blanc, blanc le bateau blanc, cela me rappelait également une chanson que l’on pouvait entendre à la radio quand j’étais petite, un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître. Le temps où nous partions en vacances avec mes parents, citadins en exode, les meilleurs souvenirs de mon enfance.

 

Les passagers ont débarqué en tenue estivale, manches courtes, en débardeurs pour certains, pantalons corsaires, jambes et pieds-nus dans des sandalettes. Nous sommes à peine sortis de l’hiver et je me gelais dans la brise légère et glacée, chaudement habillée en mi-saison, chaussettes et chaussures de sport, sweat-shirt par-dessus un polo à manches longues et coupe-vent, capuche sur la tête. J’en avais des frissons rien qu’à les voir. Eux venaient d’Angleterre et d’Irlande ; pour eux, c’était déjà la belle saison… Certains avaient la chair de poule, tout de même. Ils sont montés dans les cars, climatisés, et nous sommes partis.

 

Ces croisières ne sont pas l’apanage de gens richissimes. Si certains passagers sont certainement plus aisés que d’autres, les prix restent accessibles au grand nombre, surtout en basse saison. Il s’agit d’un tourisme de masse, populaire. Les gens vraiment riches ont leurs yachts ; il suffit de les voir amarrés dans les ports de plaisance pour s’en convaincre.

 

Florence et Pise en une journée, ça relève de l’exploit. Un véritable marathon. C’est quelque chose de faramineux, un tour de force. Cela transforme les villes d’art en musées à ciel ouvert, et ces piétinantes cohortes touristiques leur ôtent leur âme et leur charme, du moins dans la journée. Mais pour les petites mémés pour qui il s’agit souvent du premier séjour à l’étranger dans une vie qui n’a pas du être rose des décennies durant dans la verte Irlande, c’est comment dire… une chose sans doute unique dans la vie de beaucoup, un souvenir inoubliable qui leur laissera de quoi en raconter à leur voisinage jusqu’à la fin de leur vie durant les longues soirées d’hiver et les après-midi pluvieux et gris devant leur tasse de thé.

 

J’ai connu ces villes en d’autres temps, quand les façades n'avaient pas encore été nettoyées.

Quand les fils des trolley-bus passaient devant la cathédrale Santa Maria del Fiore et que les fils électriques desquels pendaient de vilains lumignons grillageaient le ciel. C’est cette Florence là, énigmatique, avec ses ruelles mal éclairées et son dallage usé par les siècles, ses palais fastueux aux fresques patinées par le temps qui m’a laissée son empreinte indélébile…

Moins apprêtées sans doutes, mais plus vivantes et plus humaines qu'aujourd'hui.

 

Outre au tourisme de masse sont arrivées des masses d’immigrés, les « extra-communautaires », comme on les appelle ici. De sorte que tout un bric-à-brac venu de tous les horizons vendu comme « souvenirs », et qui n’a vraiment absolument rien à voir avec l’artisanat local qu’on trouvait autrefois sur le marché de Borgo San Lorenzo, s’étend au long des rues sur d’improbables tapis à même le sol.

 

La place des Miracles à Pise ressemble davantage à la cour des miracles, avec son alignement d’échoppes en plein air bourrées de casquettes à visières et de tours penchées aux couleurs de guimauve, pailletées, phosphorescentes, fluorescentes et de dimensions variées, vendues par des pakistanais; qui sait, elles sont peut-être made in China comme les casquettes… On chercherait en vain une céramique, un objet agréable à regarder.

 

Les touristes remontent au pas de course dans leurs cars une heure après en être descendus entre des vendeurs de colliers, d'écharpes, de lunettes de soleil, passant leur journées sur les parkings. On essaie de leur laisser le souvenir d’une terre riche d’art et d’histoire avant qu’ils ne rembarquent, ce qui, dans de telles conditions, me semble tenir du prodige. Vu les pourboires qu’ils laissent, il faut croire qu’on y parvient, mais je ne suis pas certaine que ce soit dû à l’art et à l’histoire. A mon avis, ça tient plutôt au soleil et au ciel bleu. Disons que c’est proportionnel au baratin qu’on a pour parler de l’art, de l’histoire, du soleil et du ciel bleu.

Ecrit par Lory, le Lundi 31 Mars 2008, 00:34 dans la rubrique Grand tourisme.