Il y a eu aujourd’hui une tempête, une pluie violente apportée par un vent à décorner les bœufs ne permettant guère de sortir ; j’ai donc passé une partie de la journée à bouquiner. Je lis un livre déniché il y a quelques temps à la bibliothèque communale (je suis une vraie souris de bibliothèque, j’adore farfouiller dans les recoins et il m’arrive de faire des trouvailles intéressantes, de tomber sur des bouquins qui ne doivent sortir qu’une fois tous les deux ans –et encore- et que je peux donc garder pratiquement aussi longtemps que bon me semble en ayant la quasi certitude que personne n’ira jamais les réclamer sinon la bibliothécaire en faisant l’inventaire annuel), Ulysse, le crétois, de Paul Faure.

C’est tout à fait passionnant et ça occupe magnifiquement des journées à ne pas mettre un chien dehors. Ulysse donc, était navigateur…comme les mycéniens, et les phéniciens. Mais, comme l’annonce le titre de mon article, ce n’est pas de lui que je voulais parler. Ce qui a retenu mon attention est un passage au sujet des femmes après l’invasion achéenne (car les Minoens n'étaient pas indo-européens), ou plus exactement mycénienne (c'est à dire des barbares indo-européens sous domination Minoenne, métissés au fil des siècles, et qui finirent par se rebeller contre l'occupation crétoise). A l’époque où Thésée arrive à Cnossos en somme, « une génération avant la Guerre de Troie » selon l’auteur, entre – 1300 et 1280. C'est-à-dire au XIIIème siècle avant J.C., soit au Minoen Récent, correspondant effectivement à la chute de la cité du Labyrinthe selon la stratigraphie. Ce qui n’exclue pas, selon l’auteur, une reconstruction palatiale partielle dès – 1250, et une transformation du complexe religieux en "un ensemble administratif, économique et artisanal des édifices de la part des souverains achéens".

Et qu’apprend-on, des archives de tablettes d’argile de ces souverains achéens ? Et bien les listes comptables tenues par leurs scribes au moyen de leurs idéogrammes en Linéaire B nous apprennent que, pour la seule transformation de la laine des moutons, plusieurs milliers de femmes et d’enfants étaient payés aux pièces. Dans une trentaine d’ateliers mentionnés par un scribe, 600 à 900 femmes y étaient employées, et très peu d’hommes.

Les conditions de travail étaient terribles. Selon l’auteur, « pour une journée de travail complète, de 9 à 14 heures selon la saison, un homme adulte perçoit 2 litres d’orge ; un enfant de dix à treize ans, cinq fois moins, un enfant plus jeune, six fois moins. » (…) « Les tablettes comptables de Pylos permettent d’établir qu’une femme percevait les deux cinquièmes du travail d’un homme, soit 40%, payable en froment ou en figues sèches ». L’auteur conclue de son étude sur ce sujet qu’il est probable que les enfants (comme encore actuellement dans certains pays, par exemple dans les fabriques de tapis) commençaient à travailler vers l’âge de sept ans, et que leur ration alimentaire étaient si faible qu’ils risquaient fort « de mourir de faim, de fatigue et de mauvais traitements ». Il semblerait que, dans la Crète mycénienne, plus de la moitié des tombes soient celles d’enfants de moins de dix ans. (J’ai vu un documentaire assez récemment sur la Rome antique, près de 1500 ans plus tard. Les études faites sur les dépouilles retrouvées dans les sarcophages révèlent que les enfants de la plèbe présentaient les mêmes carences alimentaires que les enfants du tiers-monde actuel : l’espérance de vie était de 42 ans pour les hommes et de 39 pour les femmes, la principale cause de mortalité féminine était l’accouchement)

La rationalisation du travail est incroyable pour une époque qui remonte à environ 3 300 ans : chaque atelier avait sa directrice, et sa chef d’équipe, et celles-ci percevaient un supplément mensuel de 60 ou 24 litres d’orge. Et l’auteur nous fait remarquer que tout ce qu’une ouvrière novice (commençant donc son apprentissage à l’âge de sept ans) pouvait espérer était d’arriver un jour, en devenant cheffe, à gagner presque autant qu’un homme simple ouvrier .

Une des conclusions que personnellement j'en tire avec une certaine amertume humoristique, est qu'en 3 300 ans, l'écart des salaires entre hommes et femmes est donc passé de 60 à 25% ( 25%: actuellement en moyenne dans l'Union Européenne).