Donc, un dimanche
matin, quelques jours avant d'attrapper la crève dans le RER, par un froid vif auquel je ne me suis pas encore habituée, sous un ciel
uniformément gris, je vais au marché acheter quelques babioles qui me
manquent : un chapeau imperméable (noir, doublé de velours, noir
également, puisqu’ici il pleut aussi souvent qu’il bruine, que le parapluie ne
sert que s’il pleut averse, mais que s’il bruine on est tout aussi mouillé au
bout de quelques temps que quand il pleut sauf qu’on ne s’en aperçoit que quand
on est bien trempé), et des bottines fourrées parce que je me caille avec les
autres qui ne le sont pas. Et pour flâner, aussi et surtout. Il a bien changé,
ce marché par lequel je passais pour aller au lycée autrefois, le long des
étalages de fruits et légumes et autres denrées alimentaires. La banlieue a
changé, tout y est plus moderne, l’aménagement urbain a amélioré
l’environnement. Les arrêts de bus ont quasiment tous des abris, les rues aux
pavés inégaux ont été asphaltées, la signalisation routière plus visible ;
il est vrai que, là où existaient autrefois des carrefours vivants bordés de
commerces, il y désormais des ronds-points et autres échangeurs immenses, sensés
fluidifier la circulation, garnis
d’arbres et de pelouses, autour desquels il n’y a pas une âme qui vive.
Les étalages des
denrées alimentaires ne subsistent que dans le marché-couvert, rénové, et
vendent de bons produits d’ailleurs, meilleurs que dans les supermarchés. Le
long de l’avenue, des marchands de chaussures, de fringues, de sacs, de meubles
mêmes, d’un peu tout ce qu’on veut, sous-vêtements, collants, chaussettes,
trucs et bidules plus ou moins utiles en tous genres. N’ont subsisté que les
fleuristes, qui doivent être les seuls français dits de souche. Les autres ne
parlent pas toujours très bien français et sont originaires d’un peu partout,
asiatiques, pakistanais ou autres.
Tandis que
j’attends mon tour à la charcuterie (j’ai envie de manger des rillettes, il y a
longtemps que je n’en ai pas mangé), la marchande, une femme à la face
rougeaude, explose en imprécations, vocifère en parlant avec une cliente qui
abonde dans son sens. Je ne comprends pas bien la raison de sa colère.
« Il faudrait tous les renvoyer, moi je les mettrais dans un avion et je
le ferais exploser au dessus de la méditerranée » dit-elle en haletant
proche de la crise d’apoplexie, ce qui accentue sa couperose sous sa tignasse
blondasse et filasse comme de l’étoupe. Je finis par comprendre le sujet de sa
rage ; elle parle des immigrés. « Et pour Madame ? » me
dit-elle, soudain redevenue affable avec un rictus en guise de sourire qui se
voudrait avenant. Je la regarde un instant, puis tourne les talons et la plante
derrière son étal sans un mot.
Pour moi ce ne
sera rien, si j’achetais mes rillettes chez elle, ça risquerait de me couper l’appétit.
J’irai les acheter ailleurs ; elle n’est pas la seule charcutière du
marché. Mdr, je ne voulais pourtant pas manger d'andouille...
Commentaires :
Juste un mot pour vous dire que je viens de découvrir et récupérer , vos commentaires posés sur "mauvaise herbe"... Merci de vos passages et désolée pour cette déconvenue de wordpress. je tacherai de me montrer plus vigilante à l'avenir, j'ignorais cette fonction.
Enfin, merci pour cet excellent commentaire à propos du texte de Françoise Héritier, ce pour moi efficace éclaircissement.
Au plaisir
dandi