J’étais de retour
depuis guère plus d’une semaine qu’un visiteur nocturne c’est introduit en
catimini par une fenêtre restée malencontreusement entrebaîllée à mon insu. Je
n’ai absolument rien entendu, peut-être la fatigue due aux antibiotiques, mais
mon fils et son père non plus. Branle bas de combat au matin, porte-feuilles
vidés, 80 € à deux, pas le bout du monde (j’ai lu quelque part un petit malin
qui dit de ne plus mettre sa paye à la banque pour emmerder les banquiers,
c’est peut-être pas une mauvaise idée à condition d’avoir un trou sous une
latte du parquet ou une dalle de carrelage, ou encore un coffre muré derrière
un tableau), tout un désordre sous la fenêtre et… plus de bagnole. Ce qui était
nettement plus gênant. Par contre cartes de crédit et chéquiers avaient été
délaissés.
Le visiteur ayant
trouvé la card dans mon sac était tout simplement reparti en voiture. Comme
j’ai donné la mienne à ma fille et qu’il n’y a plus que celle-là, je n’étais
pas particulièrement jouasse à la perspective de rester à pied au fin fond de
la province tant que la maison n’est pas vendue. Quand au co-propriétaire, il
ne s’arrachait pas les cheveux qu’il n’a plus mais je me suis quand même
inquiétée de le voir dans un état proche de la crise de nerfs. Sûr que s’il
s’était contenté d’une honnête voiture d’occasion comme je le lui avais dit, elle
aurait suscité moins de convoitise. Le plus incroyable est qu’elle fut
retrouvée en fin de matinée. Je la croyais déjà au-delà de Trieste sur les
insondables routes des pays de l’Est ; elle était à cinq cents mètres, et
une dépanneuse l’avait embarquée parce qu’abandonnée devant le bateau d’un type
qui ne pouvait pas sortir la sienne pour aller au boulot.
Beaucoup de
chambardement pour pas grand-chose. Le visiteur aura voulu s’éloigner au plus
vite après son larcin, sans doutes, et pris bien des risques pour 80 €. Les
flics m’avaient demandé si je n’avais rien remarqué de particulier ces jours
derniers, rôdeurs, pseudo-représentants d’aspirateurs, mais non rien de rien,
d’ailleurs je n’étais pas sortie beaucoup puisque j’étais malade. Par contre
mon fils, quelques jours plus tard en y repensant, dit avoir remarqué, en
rentrant du lycée, un type étranger au quartier marchant lentement en reluquant
les maisons. Il n’y avait évidemment pas fait attention sur le coup, mais dit
avoir déjà croisé cet individu au hasard des rues, à intervalles de temps assez
espacés. D’après la description qu’il m’en a fait, un type dans les vingt-cinq
ans, genre pakistanais. Plus vraisemblablement un rom qu’un pakistanais. On
n’est pas retournés chez les flics faire part du signalement, moins on voit les
flics et plus c’est signe que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes
possibles. On s’est contentés de changer la card de la voiture, on n’est pas des
zélateurs, mais on n’est pas des donateurs non plus. D’autant que, si les flics
nous ont fait sauté la contredanse pour stationnement interdit, il nous a tout
de même bien fallu payer le propriétaire de la dépanneuse. Une mésaventure qui
en tout nous a quand même coûté 120 €, dont 80 pour le petit Noël du visiteur
nocturne.
D’ailleurs, il y
a deux ans, je m’étais fait chouraver mon porte-monnaie avec les deux cents
euros qui devaient me servir à payer les livres scolaires de mon gamin dans une
grande surface qui faisait une réduction sur ce genre d’achat sur commande au
rayon livres. La réduction m’a coûté cher. Il y avait là un type qui m’avait
emboîté le pas, me suivant à la trace et me collant, de sorte que j’avais fini
par le repousser de l’épaule avec une certaine impatience. Quelques pas plus
loin, je m’aperçus que mon sac était ouvert et que j’en étais pour mes frais.
Ce type là était bien blanc lui par contre. Un chômeur en cours de formation
professionnelle en vue d’une reconversion, ou en part-time faisant des heures
supplémentaires pour arrondir ses fins de mois, sans doutes.
Tout ça pour dire
que ça fait 120 € en moins pour faire des petits cadeaux, déjà que chez moi, ce
n’est pas particulièrement la richesse. Pas le genre d’aventure qui me rend
encline à aimer mon prochain.